"Il n'avait aucun filtre" : Les mémorables coups de gueule de Bernard Lacombe sur OL TV

Lyon – Deux années seulement. Une parenthèse infime dans une histoire longue de plus de cinq décennies, débutée en 1969 et brutalement interrompue il y a quelques mois par la maladie. Pourtant, ces deux années passées par Bernard Lacombe sur OL TV (2005-2007) resteront gravées dans la mémoire des fans lyonnais. Elles incarnent parfaitement ce qu'était l'ancien attaquant, devenu dirigeant mythique de l'OL, décédé mardi : un fin connaisseur du football, un homme drôle, parfois un peu taquin, et surtout, un Lyonnais jusqu'au bout des crampons.

Conseiller de Jean-Michel Aulas durant les années de gloire de l'OL, quand le club empilait les titres de champion de France, Bernard Lacombe a également commenté les matchs sur la chaîne OL TV dès son lancement en 2005. Accompagné du journaliste Richard Benedetti, il n'hésitait pas à bousculer les codes. "Il commentait les matchs comme s'il était sur son canapé ou sur le bord du terrain. Il n'avait aucun filtre", résume son ancien acolyte, contacté ce mercredi. "Il se permettait de dire des choses qu'aucun consultant ne disait sur les autres télés ou radios."

Des expressions passées à la postérité

Au micro, personne n'était épargné. Les adversaires, bien sûr ; les arbitres, quand le coup de sifflet ne tombait pas du bon côté, ce qui lui valut un jour une lettre d'excuses après avoir traité en direct un arbitre de "bedonnant qui ferait mieux de s'acheter un chien pour l'aider dans son travail". Mais aussi les joueurs lyonnais, certains plus que d'autres. "Il y en avait qu'il adorait, c'étaient ses enfants : Juninho, Cris, Caçapa, Greg Coupet, Karim Benzema plus tard. Et puis d'autres, on sentait que ce n'était pas vraiment sa tasse de thé", sourit Benedetti. Florent Malouda, parfois rebaptisé "le gaffeur" à ses débuts, en sait quelque chose. Mais les compilations de ses meilleures punchlines révèlent une victime favorite : John Carew.

Le grand attaquant norvégien (1,95m), parfois en difficulté avec ses pieds, symbolisait la frustration que pouvait ressentir l'homme aux 255 buts en D1, qui sentait si bien le jeu et était si techniquement agile. De là sont nées des expressions passées à la postérité, rappelées dans le portrait que lui a consacré L'Équipe ce mercredi, comme "Il faut travailler à la NASA pour trouver ça", "J'aimerais pas être le ballon" ou "Il a oublié d'enlever ses chaussures de la boîte".

"Il en avait des tonnes comme ça, toujours distillées au bon moment. Il y a ce qu'il disait à l'antenne, et puis ce qu'il exprimait hors micro, juste avec un regard. Il me tapait sur le genou et ses yeux roulaient vers le ciel, ça voulait dire que ça n'allait pas du tout", raconte Benedetti. Dès leur premier match ensemble, le Trophée des Champions 2005 remporté contre Auxerre (4-1), les deux hommes avaient noué une grande complicité.

Il arrivait aussi au journaliste de s'emporter, mais il laissait volontiers le beau rôle à son ami. "Bernard embellissait ses commentaires avec tout l'amour qu'il pouvait avoir pour son club, cette passion et parfois toute la colère qu'il pouvait avoir, se souvient-il. Un jour, pendant un match à Gerland, il était tellement énervé, il a mis un gros coup de poing sur la table et il a pété le poste de commentaires. C'était Bernard."

"Les joueurs le craignaient un petit peu"

La semaine suivant les matchs, la rediffusion de leurs commentaires dans les vestiaires avait toujours son petit effet. "Les joueurs le craignaient un petit peu", poursuit le journaliste. "Parfois, après les matchs, ils demandaient si c'était Bernard qui allait faire le commentaire. Quand ils n'avaient pas été bons, ils savaient qu'ils allaient se faire tailler. Et en effet, certains en prenaient pour leur grade. Mais il n'y avait pas de méchanceté, ça l'énervait juste un petit peu."

Richard Benedetti confesse qu'il connaissait tellement bien le phénomène qu'il lui arrivait de le "pousser un petit peu", juste pour voir sa réaction. "Parfois, je le calmait aussi. Je lui mettais la main sur le genou ou sur l'épaule, il me regardait et ça allait un petit peu mieux. Mais c'était difficile de calmer Bernard", se souvient-il. S'il évoque tous ces moments de "grande rigolade", son souvenir le plus marquant est sans doute la soirée de cette défaite traumatisante à San Siro, en quart de finale retour de la Ligue des Champions 2005-2006.

Cette saison-là, tous les anciens joueurs le disent, c'était le plus grand Lyon des années 2000, celui qui se voyait aller au bout, qui avait corrigé le Real Madrid 3-0 en poules avant de surclasser le PSV 4-0 en huitième de finale. Qualifiés au début du temps additionnel grâce à ce score de 1-1 (0-0 à l'aller), les Lyonnais ont encaissé un but assassin de Filippo Inzaghi à la 88e minute, avant que Shevchenko ne porte le coup de grâce dans les arrêts de jeu.

Un observateur exceptionnel

"Le pire moment de tous", raconte Benedetti, dont la voix se voile légèrement. "C'était incroyable. Bernard avait les larmes aux yeux. Il est resté prostré au poste de commentaires. Jean-Yves Meilland, qui était le patron de la chaîne, a dû le prendre par la main pour l'emmener au vestiaire. C'était la fin du monde pour lui. Il n'arrivait plus à bouger."

Au-delà de ces coups de gueule ou de ces moments suspendus, Bernard Lacombe était avant tout un observateur exceptionnel. Le triple champion de France (1984, 1985, 1987) et double vainqueur de la Coupe de France (1986, 1987) avec Bordeaux percevait le football comme peu sont capables. "Il devinait le match au bout de quelques minutes, c'était sa grande force, insiste son ancien complice. Il était capable de dire : 'Richard, tu vas voir, ça, ça et ça va arriver'. Il annonçait quasiment les buts avant." Des paroles non vaines, les vidéos sont là pour en témoigner.

Publié Lyon 18 06 2025