Quand les scanners laser d'Écully font parler les scènes de crime
Accéder à une scène de crime comme si l'on faisait partie de l'équipe des premières constatations : au siège de la police scientifique, près de Lyon, un service unique en France réalise des reconstitutions 3D pour les enquêteurs.
Le dossier (fictif) : un homme tué par balle, un autre poignardé. Sur l'écran de l'officier de police, un appartement modélisé en trois dimensions et trois options : la scène vide, les résultats de l'enquête (corps, traces de sang, armes et autres indices), et une vidéo qui reconstitue l'altercation ayant mené au meurtre.
« Notre métier est de rendre les faits plus compréhensibles », résume le brigadier-chef Grégory, qui ne souhaite pas communiquer son nom de famille. « Nous gérons tout ce qui est scène de crime d'ampleur », explique-t-il : attentats, affaires criminelles majeures, et même les « cold cases », ces vieilles affaires non résolues.
Un service créé il y a une dizaine d'années
Son équipe est ainsi intervenue dans l'enquête ouverte après l'assassinat jihadiste du professeur Dominique Bernard, à Arras en octobre 2023. Ou encore après un attentat à la bombe à Lyon en 2019, qui a fait une quinzaine de blessés, afin de vérifier les déclarations du suspect.
Si les dossiers sont importants, le « groupe de fixation des scènes d'infraction », de son nom officiel, est un petit service créé il y a une dizaine d'années : il ne compte que quatre personnes, dont l'une est spécialisée en architecture 3D, avec une expérience dans la conception de jeux vidéo.
Des outils techniques de pointe
Mais il dispose d'équipements à la pointe de la technologie, à commencer par deux scanners laser. Dotés d'une caméra, ils permettent de capter un espace en trois dimensions et de créer une visualisation en nuages de points. Une constellation si fine, avec une précision de 1 mm à 10 mètres, que la scène apparaît rapidement nette à l'écran.
Le service comprend également un scanner laser portable, des caméras à 360 degrés, des drones de toutes sortes (multispectraux, thermiques ou classiques)... et des iPad Pro qui peuvent réaliser ce type de scan. « J'ai débuté dans la police il y a plus de 20 ans avec les photos argentiques, et nous voilà », sourit le brigadier-chef Grégory.
Inversement, les lieux ne changent pas. « Même si les faits remontent à 20 ans, la maison », ou plus généralement la scène de crime, « est toujours là. Nous pouvons scanner ce qui existe et le retravailler pour l'adapter aux constatations de l'époque », explique-t-il.
Comme une empreinte par exemple : un composé de 150 photos peut ainsi la faire apparaître dans une modélisation 3D ultra détaillée. Par conséquent, un enquêteur peut depuis son ordinateur se rendre sur la scène de crime, zoomer sur les indices, prendre des mesures, avec l'impression de se promener dans l'espace en manipulant les directions pour multiplier les points de vue.
4 000 agents en France
Le groupe est également utilisé pour des reconstitutions animées qui peuvent servir lors de procès ou pour vulgariser le rôle des experts techniques. Dans le cas de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, qui a fait 5 morts en 2018, ils ont été sollicités pour retracer le parcours d'un accusé.
Ce laboratoire n'est qu'une petite partie du service national de police scientifique qui supervise plus de 4 000 agents en France, dont 3 140 scientifiques. D'un simple prélèvement humidifié au sérum physiologique aux technologies les plus récentes, ses policiers et techniciens réalisent plus de 1,1 million d'analyses par an, traitant environ 310 000 scellés.
À Écully, au nord-ouest de Lyon, où travaillent 1 200 de ces agents, les services coexistent : le laboratoire de recherche sur les traces papillaires, les chiens odorologiques, la balistique et toutes les professions d'identification des personnes.
Publié Lyon 03 07 2025